ESCAMOTER MÈRE

J’ai lu les propos de Luc Venet malgré les réticences que j’avais de m’aventurer à ouvrir ce qui ressemble fort à une boîte de Pandore.

Ce réquisitoire mêlé d’accusations et d’autoanalyse n’appartient qu’à son auteur et à ceux qui s’acharnent à discréditer l’Homme Satprem, son courage, son œuvre et son feu.

Dans toutes les spiritualités du monde il y a toujours eu des aveuglements, des projections et des attentes frustrées: la fascination se transforme en abjection, l’aimé en personnage haï, l’attraction devient répulsion: rien de nouveau sous le soleil, on tombe dans une ritournelle aussi vieille que le monde et qui se retrouve à tous les étages de la vie.
On sait tous les retournements imprévisibles qu’une telle relation peut occasionner dans la psychologie fragmentée des uns et des autres, dont l’une des causes principales est fréquemment en rapport direct avec des inhibitions étouffées qui explosent le moment venu, entraînant le rejet violent de toutes les adhésions auxquelles nous étions attachés par principe en surface.
Et puis, il n’est pas toujours évident de faire le distinguo entre un idéal mental, intellectuel, et des ambitions cachées qui ne sont pas toujours du meilleur effet, en fin de compte. La preuve. Dans ces conditions on ne s’étonne plus que Luc Venet, comme bien d’autres d’ailleurs, aient retourné leur veste comme le dit le vieil adage populaire.
Même une conversion profonde n’est pas sûr de tenir bon face aux coups de boutoir de forces universelles que nous méconnaissons et qui remontent par des voies dont nous ignorons les pouvoirs considérables et labyrinthiques, surtout dans un yoga qui demande de nous une transformation intégrale et sans partage contre des forces obscures qui cherchent à chaque instant la moindre faille pour nous faire chuter, quand ce n’est pas de nous perdre définitivement.
Luc Venet avoue lui-même à travers le portrait de son autoanalyse qu’il s’est fourvoyé dans un monde préfabriqué, accusant faussement Satprem d’avoir été l’artisan de cette supercherie. S’il avait fait honnêtement l’introspection de ses ambitions personnelles, peut-être que son ego aurait évité de se perdre dans de vils calomnies.

Il faut rappeler que Satprem ne s’est jamais imposé comme gourou auprès de ses collaborateurs, pas plus d’ailleurs qu’il ne s’est proclamé le “tuteur” de quiconque au cours des multiples relations qui l’ont engagé à côtoyer pas mal de monde pour accomplir le travail et le protéger; travail qui incluait, bien sûr, toutes les publications, les traductions et les éléments plus “personnels” d’une exploration permanente fondamentale et physique sur soi; expérimentation in vivo partagée et traduite sans détour qu’il nous offre gracieusement dans les Carnets d’une Apocalypse.
Bien entendu, je ne parle pas qu’en mon nom. J’ai eu le témoignage de mes proches amis(-es) qui ont vécu auprès de Satprem et de Sujata, et notamment à travers l’une d’elle qui a vécu alternativement pendant dix ans dans leur entourage afin d’aider aux publications et aux traductions.
Toutes ces personnes n’ont vu que de la générosité dans ces deux Êtres (Satprem et Sujata), un courage exceptionnel, indomptable, ainsi qu’une intégrité sans faille, dont nous sommes les témoins au travers de toutes les lectures que nous avons pu explorer et méditer grâce à eux.
A nous d’avoir l’aspiration et le courage d’en incarner la quintessence sans forfaiture, s’il se peut.
Indépendamment de Satprem chacun est face à lui-même, a ses propres choix et à son devenir particulier. Est-il bon et utile de le rappeler?

Satprem n’a fait que donner des signes de pistes sans jamais embrigader personne, contrairement à ce que Luc Venet essaie de nous faire accroire.
Je ne vois pas en quoi Satprem serait le tributaire, le Grand fautif des erreurs de trajectoire des uns et des autres, quelle que soit la contribution donnée par ceux ou celles qui ont eu le privilège d’être en sa Présence et le résultat désastreux que cela a entraîné pour certains de ses collaborateurs?
Pourquoi Luc Venet, aveuglé sur sa lancée périlleuse, n’a t’il pas rendu coupable Satprem de la mort du Pape? Tout ceci est ridicule...absurde!
Il aura fallu que s’écoulent toutes ces années pour que Luc Venet fasse un constat “lucide” sur lui-même mélangé à toute une argumentation vindicative et perfide qu’il n’a pu contenir.
Au lieu d’intenter un procès indigne à Satprem et Sujata il aurait dû conserver cette ligne de conduite qu’il s'était dictée:
«Il me serait plus aisé de me taire. En fait, c’est ce que j’avais décidé de longue date: mon histoire était avant tout mon histoire; mes pérégrinations avec Satprem étaient le fruit d’un destin que je revendiquais comme personnel et privé — tout un chemin parcouru qui me conduisait, en tant qu’individu unique, vers un but qui m’était propre, et qui ne concernait personne d’autre que moi».

Ce que Luc Venet oubli de mentionner, c’est son comportement gouroutisant aux Etats-Unis où il commençait à se mélanger aux groupes New Age et aux grandes foires “spirituelles” à l’américaine. Il fallait protéger The Institut for Evolutionary Research de toute cette soupe.
Fort de son statut qu’il croyait irrévocable, il s’est vu contraint de se soumettre à sa dissolution.
Satprem l’avait pourtant mis en garde plusieurs fois concernant ces amalgames indésirables: après plusieurs courriers qui ne manquaient pas de mansuétude, dans un premier temps, et devant l’attitude de non recevoir de Luc Venet la rupture était devenu inévitable.

Pour terminer, je dirai que la fin du récit de Luc Venet est très démonstrative de ce qui sous-tend sa pensée, je cite:
«Sortez de la cage, sortez des pensées qui se nourrissent de vous et ne peuvent trouver de réponse; jetez vous plutôt dans la seule conquête qui vaille, sans pensée, sans intermédiaire: Sri Aurobindo».
Où est Mère dans cette dernière tirade magistrale et cette conquête?

Elle est littéralement gommée parce que trop proche de celui qu’Elle Aime pour toujours, celui que Luc Venet veut nous faire passer pour un “monstre”.
Escamoter Mère inconsciemment, c’est éliminer Satprem de la mémoire pervertie de quelqu’un qui a perdu pied dans les brumes de son cerveau.
De quel Sri Aurobindo se réclame-t-il?
Bien à vous,

Yagna
22 octobre 2007